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Photo du rédacteurThierry Holweck

Noël, rencontre entre chacun d’entre nous et Dieu

Luc 1,39-56

Prédication du dimanche 22 décembre 2024 - Thierry Larcher



"La Visitation". Mariotto Albertinelli, 1503. Huile sur bois, 232 x 146 cm. Galerie Uffizi, Florence


Annoncer à ses parents, amis ou collègues que l’on va devenir maman ou papa est un moment toujours particulier. Un moment un peu suspendu dont il faut profiter, car après la joie partagée, les félicitations, l’envie de nous conseiller des autres au risque de nous faire prendre peur ou de nous faire douter, va vite prendre le dessus.

La rencontre entre Marie et Élisabeth est un de ces moments exceptionnels dont la Bible a le secret. Mais surtout, cette rencontre entre Marie et sa cousine Élisabeth fait suite à leur rencontre avec Dieu. Cette double rencontre nous indique deux choses importantes que nous allons développer. La première consiste à analyser et à voir comment une rencontre avec Dieu est possible. La deuxième sera de réfléchir à ce que nous apprend une telle rencontre sur Dieu, sur sa vision de l’humanité, son amour. Certainement qu’à deux jours de Noël, nous pouvons encore un peu réviser ensemble sur comment nous allons rencontrer Jésus.


Pour qu’une rencontre avec Dieu soit possible, il faut tout d’abord que nous le voulions, que nous soyons à sa recherche. Marie a reçu la visite d’un ange qui lui annonce la naissance de Jésus. Dans les écrits apocryphes, ceux que l’Église n’a pas retenus dans le canon biblique. Il y a ainsi tout un écrit sur l’enfance de Marie qui la présente comme une enfant, puis une adolescente qui ne veut connaître aucun homme plus tard . Très vite, elle fait alors partie des jeunes femmes qui vivent au Temple pour servir Dieu, se consacrer entièrement à Lui. Elle était alors très littéralement une servante de Dieu. Mais voilà, passé un certain âge, sans doute pour éviter toute tentation aux prêtres, les jeunes filles n’étaient plus autorisées à rester au Temple. Ce moment venu, les prêtres vont peiner à lui faire accepter de se marier avec un homme. Ils doivent faire venir les hommes les plus sages des 12 tribus d’Israël pour trouver un prétendant. Dans cet écrit apocryphe, Joseph est décrit comme un vieil homme pieux qui au départ ne voulait pas non plus se marier avec cette toute jeune femme, il n’acceptera que lorsqu’on lui aura montré que c’est bien la volonté de Dieu. Nous devinons donc, même si ce récit apocryphe est à prendre avec des pincettes, que Marie cherchait réellement Dieu.


Or, voilà que Marie devient enceinte alors que Marie et Joseph ne se sont pas connus intimement. Dans la tradition juive, Marie va donc donner naissance à ce qu’on appelait un enfant mamzer, un enfant conçu hors union. Un tel enfant avait très peu de droits, il ne pouvait se marier, par exemple, avec une femme juive, mais uniquement avec une femme ayant la même situation que lui. Un reproche qui suivra Jésus durant son enfance et une fois adulte. Origène, au 3e siècle après Jésus-Christ, écrira même dans son Contre Celse que Marie était accusée par des non chrétiens d’avoir eu une relation avec un soldat romain qui serait le vrai père de Jésus.


Luc nous montre cependant tout autre chose et nous voyons ainsi que lors de sa rencontre avec Dieu, à travers l’ange Gabriel, Marie a très vite dit oui à Dieu, elle a accepté ce qui allait être une situation difficile pour elle et son fils, dans un geste d’amour et de confiance en Dieu. Elle dira même ensuite que c’est là une bénédiction.


Pour qu’une rencontre avec Dieu soit possible, il faut donc que nous sachions voir ce qui est extraordinaire dans notre vie, ces moments où Dieu s’adresse à nous, et savoir en retour lui dire oui en ayant confiance.


Du côté de sa cousine Elisabeth, celle-ci, est âgée et stérile, ce qui dans le judaïsme et même en dehors était vécu comme une malédiction. Encore aujourd’hui, des femmes souffrent de ne pouvoir accueillir la vie. Aussi, elle se réjouit tout de suite d’être enfin enceinte, alors que son mari Zacharie va d’abord être sceptique face au geste de Dieu. Au point qu’il ne retrouvera la parole qu’une fois qu’il verra vraiment l’enfant.

À travers Zacharie nous remarquons ainsi qu’il n’est pas toujours facile de dire « oui » à Dieu, de croire sans voir. Et ce n’est certainement pas pour rien que Luc termine son évangile avec l’épisode de Thomas, comme il le commence ici avec Zacharie. Nous aimerions souvent toucher pour croire, avoir un signe intangible. Mais alors, croire ne serait plus un acte de foi, de confiance, mais une simple certitude banale comme nous pouvons en avoir tant en ce monde. Osons la foi, envers et contre tout, comme Marie et Elisabeth. Comme souvent dans l’évangile de Luc, soyons plus femmes qu’hommes, puisque ce sont plus les hommes qui y doutent.


Mais pour que notre rencontre avec Dieu soit possible, il faut ne faut pas seulement rechercher Dieu et avoir la foi, il manque une autre chose. Dans notre récit, cela est exprimé par le fait que Marie se déplace, elle grimpe sur la montagne pour rejoindre sa cousine. Il faut que nous soyons capables d’être déplacés, physiquement parfois, mais surtout dans nos convictions et parfois nos certitudes, c’est là le prix des grandes rencontres.

Dieu est rarement là où nous le cherchons où même où nous pensons le voir. Marc le montre encore plus que Luc. Dans presque tous les épisodes de l’évangile de Marc, il y a un déplacement, un malentendu. Souvent, c’est lorsque ceux qui rencontraient Jésus pensaient avoir compris sa parole qu’ils se trompaient le plus.

Avant d’être pasteur, j’ai travaillé dix ans auprès de personnes en situation de handicap. Aucun éducateur ou soignant ne pouvait prétendre comprendre la personne qu’il accompagnait s’il n’était pas capable de se décentrer, de venir à la rencontre de l’autre tel qu’il est, sans plaquer sur lui ou elle son éducation ou ses préjugés. C’est un métier qui demande beaucoup d’empathie, mais aussi de capacité à se remettre en question. Une grande vigilance aussi, car accepter d’être déplacé, décentré, cela ne revient pas à prendre la place de l’autre, sans quoi il n’en a plus… mais c’est comprendre d’où il parle, d’où il vit, pour l’aider à élaborer les projets dont il a envie et qui le feront avancer, sans lui imposer nos idées ou nos propres projets.


Maintenant que nous avons compris que nous devons être près à nous laisser interpeller par Dieu, à voir les signes qu’il nous donne et à être capables de sortir de nos zones de confort, une dernière chose est nécessaire à la rencontre, c’est le oui, ou si vous préférez, le « amen ». Marie a dit oui à l’ange, mais sa salutation à Elisabeth est comme un « amen », un « oui, que la volonté de Dieu soit faite ». En disant oui à Dieu, l’enfant tressaillit en elles, et elles sont remplies d’une grande allégresse comme l’exprime Marie et de la certitude que le Sauveur est là pour nous.


Puisque nous savons maintenant aller à la rencontre de Dieu, découvrons ou redécouvrons le regard qu’il a sur nous et sur le monde. Comme pour Marie, il porte son regard sur nous et les générations futures nous dirons bienheureuses et bienheureux. Sa bonté s’entend bien de génération en génération, mais attention, pas n’importe quelle bonté…

Il disperse les orgueilleux, renverse les puissants et élève les humbles. Nous pourrions penser que dans cette prière, Marie annonce ce que fera son fils, mais les verbes grecs sont à l’aoriste, une conjugaison qui nous fait comprendre que l’action de Dieu est la même hier, aujourd’hui et demain.

Abraham, le père des croyants, n’est-il pas au départ le modeste fils d’un fabricant d’idoles ? Le grand roi David fut un simple berger. Bien des prophètes venaient de régions montagneuses et pauvres et on les rejeta d’abord lorsqu’ils arrivèrent à Jérusalem. Bien des femmes dont les Écritures nous parlent ne furent-elles pas des étrangères ou des exclues ? Dieu aime à renverser les conventions et à nous bousculer. En agissant ainsi, il aimerait qu’à notre tour nous prenions autant soin du petit, du pauvre et du rejeté que lui le fait.


Si nous sommes parfois choqués par ses condamnations des riches. Il ne faut pas mal le comprendre. Ce n’est pas que Dieu ne les aime pas, chacun d’entre nous est en effet son fils ou sa fille, peu importe les richesses matérielles ou spirituelles dont il dispose. Ce qui compte, c’est le regard que nous partons à notre tour sur les autres. Est-ce que comme Dieu, et par exemple les industriels protestants d’ici et d’ailleurs au 19e et au 20e siècle, nous savons prendre soin de ceux qui travaillent avec nous, pour nous ? Où à l’inverse, comme le montre la tendance actuelle, la richesse ne ruisselle-t-elle plus vraiment, les pauvres devenant plus pauvres et les riches toujours plus riches ?


Pour que nous soyons réellement en communion avec Dieu, pour que notre rencontre avec lui porte du fruit, nous devons veiller à aimer notre prochain, car c’est justement ce prochain qui va nous révéler un autre aspect du visage du Christ. Plus que jamais, nous devons faire preuve d’humilité, savoir être serviteurs nous aussi, à notre manière et selon nos moyens, pour que Dieu puisse ensuite nous relever, comme il fit avec son Fils. Ce mouvement d’abaissement et d’élévation n’est pas à craindre. Ce mouvement est un peu comme celui de notre cœur, qui avec ses systoles et diastoles permet de faire circuler en nous le sang, et donc la vie. Avoir cette souplesse de s’abaisser, de demeurer modeste est un mouvement naturel et nécessaire pour que nous puissions donner à notre Père sa juste place, le prier sans rien exiger, mais en partageant avec lui en toute simplicité nos difficultés, nos souffrances et nos doutes. Or pour rester modestes, rien de mieux que de donner avant de vouloir recevoir, de faire preuve d’amitié et d’entraide.

Ceux qui d’entre vous ont vu la trilogie du Seigneur des anneaux ont remarqué comme l’œuvre comporte des aspects chrétiens. Si parfois Frodon se pense capable de grandes choses, un peu comme Pierre quand il commence à marcher sur l’eau, bien vite, il sombre régulièrement, doute et pense ne jamais y arriver. Or à la fin, c’est son ami Sam Gabegie qui lui dit que s’il ne peut porter pour lui l’anneau qui est sa mission et sa souffrance propre, il peut porter Frodon. Nous ne pouvons porter les peines des autres, mais nous pouvons les porter le temps qu’ils retrouvent des forces. C’est entre autres à ce renversement que Dieu nous appelle.


Nous arrivons tout doucement à la fin de ce récit où comme Marie, Dieu vient à notre rencontre dans deux jours à travers son Fils. Il attend que nous arrivions à lui dire oui, à le suivre, pour que nous puissions recevoir tout ce qu’il veut nous donner. Ne doutons pas que nous y trouverons, comme Elisabeth, du réconfort face à la vieillesse et à cet enfant qui tardait jusque là à venir ; où comme Marie, à accepter de porter le fruit de Dieu, à oser porter sa parole au monde pour que d’autres aussi se sentent appelés.

Que les épreuves ne nous paraissent plus insurmontables, car en montant au sommet de la montagne qui est devant nous, non seulement nous le ferons par étapes, selon nos forces, mais en haut nous attend celle ou celui qui va tressaillir de joie en nous voyant. Avec un peu d’efforts et en acceptant la main tendue des autres, nous aussi, nous saurons chanter comme Marie que notre âme exalte le Seigneur et que notre esprit est rempli d’allégresse.


Noël est cette fête de la rencontre entre chacun d’entre nous et Dieu. Cherchons-le, ayons confiance, préparons-nous à lui dire « oui », soyons prêts à être parfois un peu bousculés, à devoir grimper un peu, tout en ayant l’esprit de cordée pour y aller ensemble, et au final la rencontre sera pleine d’allégresse et changera notre vie.


Amen.


Thierry Larcher

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