Guebwiller le 07 juillet 2024
Chantal Ngono, Marc 6, 30-44
La multiplication des pains est un des nombreux miracles spectaculaires de Jésus, comme tous les miracles de l’Evangile d’ailleurs. Nous aimerions tellement expérimenter ce genre de phénomène aujourd’hui, dans ce temps où presque tous les pays du monde souffrent de famine ou d’insuffisance alimentaire. Le récit nous présente ainsi un Christ capable de faire des choses grandes et merveilleuses, que Dieu a pourtant prévu que chacun et chacune devrait pratiquer comme le confirme Paul dans Ephésiens 2.10 « Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes œuvres, que Dieu a préparées d'avance, afin que nous les pratiquions »
Très Riches Heures du duc de Berry
Musée Condé de Chantilly
Qui ne désirerait pas avoir ce pouvoir de faire des miracles, avec la facilité de Joséphine ange gardien. Mais ça ne marche pas aussi simplement. Même Jésus n’a pas pu accomplir de miracle à Nazareth, à cause de l’incrédulité et parce qu’ils n’ont pas accepté la véritable nature de Jésus, le Messie. Il n’était que le fils du charpentier. Face aux scribes et aux pharisiens qui lui demandent un miracle, Jésus répond dans Matthieu 12.39: « Une génération méchante et adultère demande un miracle ; il ne lui sera donné d'autre miracle que celui du prophète Jonas »
Mais j’ai bien peur qu’aujourd’hui encore Jésus refuserait de faire un miracle dans le monde et même chez nous en France, nous mettant à l’écart de son action, et risquant de faire croire que les merveilles de l’Évangile ne seraient plus pour nous.
Et pourtant il y aurait certainement une manière de nous approprier le miracle de ce texte comme une bonne nouvelle pour nous aujourd’hui. Et c’est Jésus, en bon pédagogue, et surtout en amoureux de ceux qu’il a créés et pour qui Il est venu donner sa vie, qui va nous amener à briser les barrières et obstacles au miraculeux dans notre vie.
Nous allons nous intéresser à ce qui se passe entre Jésus et les disciples. La foule est déjà là de toute façon et il faut lui donner à manger, dans un lieu désert, où il n’y a aucun supermarché, ni suffisamment d’argent pour faire les courses pour tout ce beau monde.
Les disciples de Jésus voulaient s’offrir une journée d’intimité, de paix mais la foule était là, ce qui rendit ce projet impossible. Vous imaginez, préparer un petit barbecue aux bords du Rhin vers Ottmarsheim, ou au Markstein, ou encore au grand ballon, malheureusement, comme c’est de plus en plus fréquemment le cas, une pluie orageuse vous en empêche ! Ce qui nous rendrait triste, n’est-ce pas ?
Les disciples aussi sont certainement tristes, voire en colère, à cause de la foule qui vient saper leur projet. Mais Jésus adopte une toute autre attitude. Le texte nous dit que Jésus fut pris de compassion pour cette foule cosmopolite, avec différentes pathologies, difficultés, situations, nationalités…Il y avait probablement des « français et françaises de métropole, des Tom, de l’intérieur, « des alsaciens », des immigrés, des juifs, des arabes, des africains, américains, asiatiques, australiens, des néo-zélandais qui faisaient du kamaté, tous formaient une foule, épuisée, la seule chose en commun, la faim, la soif..., Ils sont spirituellement remplis, car Jésus a enseigné jusqu’à la tombée de la soirée, maintenant, il fallait physiquement un casse croûte, tous déjà en hypoglycémie, mais le cadre était défavorable, hostile au ravitaillement, à l’hospitalité, à la nourriture.
C’est là, au moment où tout semble perdu, où nous pensons que tout espoir est impossible, que nous ne pouvons plus rien faire par nous-mêmes, c’est là que Jésus Notre Dieu intervient. Cela nous rappelle cette parole de Paul dans 2 Corinthiens 12.10 : « c’est quand je suis faible c’est alors que je suis fort ».
Les disciples suggèrent à leur Maître de renvoyer la foule pour se débrouiller.
Les disciples n’ont pas toujours compris, aveuglés par leur reproche envers cette foule envahissante et responsable de l’échec de leur projet de tranquillité ! Croyant avoir trouvé une idée géniale, « ce lieu est désert, et l’heure est déjà avancée ; renvoie-les, afin qu’ils aillent dans les campagnes et dans les villages des environs, pour s’acheter de quoi manger » (Marc 6.36)
La réponse de Jésus sans appel et sèche : donnez-leur vous-même à manger, et d’une voix calme et autoritaire, inventoriez ce que vous avez et faites-les asseoir. Les disciples rapportent le résultat de leur investigation : 5 pains et 2 poissons. Ces éléments furent présentés au Père céleste qui approuva et bénit. La foule mangea à satiété, et il y eut des restes qui ont rempli 12 paniers nous dit le texte (Marc 6.43).
La charité d’un petit nombre a été décisive et pourrait nous servir d’exemple, de ne jamais désespérer ! Ceux qui avaient les 5 pains et les 2 poissons auraient pu se décourager en pensant que leurs 5 pains ne serviraient à rien face à l’immensité de la foule ! Mais non, ils ont osé, sans penser à eux-mêmes, et le miracle a pris place !
Oui le miracle reste d’actualité.
En effet, un miracle reste possible de nos jours. Jésus amène les disciples à le comprendre, et cela nous sert aussi d’exemple. Certains éléments sont nécessaires pour qu’il y ait miracle de la part de Dieu : amour du prochain, humilité, apprentissage, harmonie, foi, respect, obéissance. Car Notre Dieu n’est pas un Dieu de désordre, pour accepter le désordre et le cautionner.
Par exemple, lorsque les scribes érudits de la loi, orgueilleux, détenant seuls le monopole de la connaissance, irrespectueux à l’endroit du Grand Maître Jésus, ont demandé un miracle à Jésus en disant : « nous voulons un miracle du ciel (Matthieu 12.38-40), Jésus savait cela et a répondu : race de méchants, incrédule, le seul miracle est celui de du prophète Jonas, qui a passé 3 jours dans le ventre du poisson, et a saisi cette occasion pour parler de sa mort et de sa résurrection, où le Fils de l’Homme passera 3 jours dans le sein de la terre et en ressortira.
Face au miracle que nous souhaitons, et qui nous paraît lointain, il est important de s’amender et chercher à apprendre, de Jésus pour que toute œuvre que nous voulons mettre en place puisse prospérer. Les disciples voulaient raisonner Jésus, mais Jésus répond par la pédagogie. Il ne blâme pas les disciples, mais les amène à la réflexion.
Nous sommes appelés alors à mettre de l’eau au moulin de notre cœur
Le respect des uns envers les autres ; car nous sommes irrespectueux envers nous-mêmes. Jésus voit dans le cœur : aucune bienveillance de la part des disciples, renvoyer une foule fatiguée ! Tandis que certains se donnent à fond ; d’autres sont indifférents. L’actualité politique sur fond d’élections législatives nous en dit long sur le regard des uns envers les autres
L’apprentissage : pour qu’un projet s’améliore, soit performant, il ne faut pas d’improvisation. Les disciples ont voulu renvoyer la foule en plein désert de nuit, ce qui aurait pu mettre la vie de ces gens en danger, avec de graves conséquences !
Nous voulons une France forte, prospère, nous avons besoin des bases élémentaires, mais certains n’y voient que des postes ! Savent-ils comment fonctionnent ces postes, ou les clés de ces postes ?
Marc a accepté d’apprendre et, il est devenu le transmetteur de l’Évangile, parole de Jésus, que nous lisons aujourd’hui.
L’humilité : les disciples reconnaissent leur limite et vont faire confiance à Jésus, leur maître, et le résultat conduit au miracle, pour la joie de tous
L’obéissance vis-à-vis des aînés, des responsables, sans avoir besoin de rappeler les relations familiales
La foi : la foi nous connecte à une dimension plus profonde que notre être imparfait. C’est le choix de nous laisser guider par cette force au-dessus de notre entendement que nous appelons Dieu, et qui est venue vivre homme parmi les hommes, afin de changer notre spiritualité
Alors, voilà quelques éléments, dans le contexte de ce texte de la multiplication des pains, pour que le miracle ait lieu. Il ne faut pas marcher comme les disciples qui avaient une méconnaissance de la Volonté de Dieu pour la foule. Ils cherchent à exclurent la foule qui pour eux est encombrante et de trop. Jésus refuse cette exclusion (c’est qui celui-là, d’où vient-il ?), et prône l’inclusion, qui est l’ADN du Père.
Le paradoxe de Notre Maître, Jésus Christ nous laissera sans voix et exige :
Accepter l’autre, le respecter, tel qu’il est, c’est se respecter soi-même
Atteindre des résultats favorables pour tous
Le sacrifice de tous est demandé
Une foule obéissante
Des disciples qui ont l’écoute, l’obéissance
Le miracle est possible par la prière
Jésus demande l’approbation et la bénédiction du Père : la multiplication a lieu
Demandons au Père de nous remodeler, afin que nous œuvres puissent produire le miracle attendu
Au-delà de la multiplication des pains matériels
Cela est sans doute assez juste, mais on ne peut certainement pas limiter le sens de notre récit à cette petite morale. Nous devons aller chercher plus loin un sens plus profond. En particulier on remarque que ce n’est pas n’importe quoi qui est multiplié ici, mais du pain, et dès qu’il est question de pain dans l’Évangile, toute l'attention est requise, parce que le pain intervient partout comme un symbole extrêmement fort. C’est Jésus lui-même qui dit « je suis le pain vivant descendu du ciel, celui qui en mange vivra éternellement » (Jean 6 :51), et lors de son dernier repas, il tend les pains en disant : « ceci est mon corps, prenez et mangez-en tous ! » (Matt. 26 :26).
En partageant la Sainte Cène aujourd’hui :
soit nous sommes la foule, et nous avons faim d’amour, d’espérance, de consolation, de pardon, de guérison et, nous voudrions que Jésus vienne nous nourrir dans notre vie qui s’étiole ;
soit nous nous identifions aux disciples, aux serviteurs de tous les temps et, je crie à Jésus ma faim et ma détresse, mon découragement de voir les églises se vider, avec d’interminables querelles, des scandales à n’en point finir, alors entends Jésus te dire « « nourris toi de l’Ecriture ! Car ma parole a une puissance phénoménale pour transformer la vie de chacun et même le monde
Et si donc nous sommes des disciples, nous voyons une foule qui a faim, un monde en détresse, une société qui a peur, des politiques qui se battent, se rejettent la faute les uns sur les autres, sans trouver de solution pour une paix durable, un pays sous tension, en ce dimanche de second tour de l’élection législative, alors, à la suite de Jésus qui nous invite à être serviteurs de sa parole, de sa présence, de son amour, rendons grâce à Dieu pour le don qu’il nous a fait de prendre part à son admirable lumière qui est la parole, et prions pour chacun, chacune, sans exclusion, pour la nation, pour le monde, afin, qu’avec ce peu d’amour, Dieu Notre Père en Jésus Christ, multiplie l’espérance, la joie et la paix dans la nation, dans le monde, étant convaincus que nous les avons nous-mêmes reçus.
Amen.
Pauline Siegenthaler
Prédicateur laïc, Aumônier d’établissements sanitaires et médico-sociaux
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