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Photo du rédacteurThierry Holweck

Honorer celui qui nous a tout donné

La crainte de l'Éternel enseigne la sagesse, Et l'humilité précède la gloire

Guebwiller 15 décembre, 3e Avent, baptême Mélusine Koch



Frantz Hals Saint Luc l'évangéliste (vers 1625, huile sur toile, 70 x 55 cm), Musée d'Art occidental et oriental, Odessa (Ukraine)


« La crainte de l'Éternel enseigne la sagesse ! » Voilà donc ce que vous êtes venus faire aujourd'hui, Gwendoline et Jérôme, en demandant le baptême de votre enfant Mélusine. Vous êtes venus dire à Mélusine, qui est certes encore bien petite pour pleinement le comprendre, quelque chose du mystère de la vie et du sens que l'on peut y trouver.


Mais par ce geste du baptême, au-delà de sa fonction strictement rituelle, nous est effectivement donnée une compréhension du monde, une forme de culture et d'intelligence des choses et par là-même une orientation, une direction, qui veut nous apprendre à agir dans le monde qui nous est donné et où Mélusine fait ses premiers pas.


À travers la matérialité de ce que nous avons fait, en versant à trois reprises de l'eau sur le front de l'enfant, quelque chose d'invisible s'est manifesté. À travers les gestes et les mots bien concrets que nous avons dit, par votre oui à la promesse de Dieu ainsi que par la réponse de l'assemblée, nous avons donné une forme physique à quelque chose qui n'a pas de forme. Tout simplement parce que ce que nous avons fait est de l'ordre de l'esprit. C'est quelque chose de spirituel, qui par définition, ne se voit pas autrement que par ses manifestations.


En baptisant Mélusine, nous avons affirmé notre conviction que le monde ne se résume pas à ce que nous pouvons en savoir, en connaître. Il ne se résume pas à ce qu'il est aujourd'hui, avec ses progrès matériels, scientifiques et techniques mais qu'il y a quelque chose de plus important que tout ce que la modernité peut nous apporter : la conscience de l'humanité et de notre place dans cette humanité. Ce que les anciens appellaient la sagesse.


La sagesse ne doit pas être confondue avec ce que l'on attend en général des enfants à l'école, il ne s'agit pas « d'être sage comme une image » sous entendu, se tenir bien et écouter la maîtresse ou ses parents. La sagesse, c'est une profondeur de l'intelligence des choses et la volonté d'agir en fonction de cette intelligence d'une manière personnelle. Autrement dit qui ne peut nous être dicté par autre chose que par notre conscience et notre sens critique. C'est-à-dire que personne ne peut, ni ne doit penser à notre place.


Pour y arriver, c'est tout le chemin de la vie qu'il faut affronter. Et si l'on ne peut savoir ce qui adviendra sur le chemin de vie de Mélusine, il nous appartient, à vous ses parents, parrain et marraine, et à nous Église qui lui faisons une place aujourd'hui de lui montrer la direction, ce que nous pensons être la bonne voie, celle qui lui permettra d'atteindre à la sagesse et, nous l'espérons, à la foi.


Le commencement de toutes choses


Si j'ai choisi ce verset du livre des Proverbes pour évoquer cette dimension spirituelle de l'existence avec vous, c'est en fait en raison de sa deuxième ligne : « L'humilité précède la gloire ». Une phrase en résonnance avec cette période de l'Avent et de Noël. En effet, qu'attendons-nous ? Pourquoi nos sapins, nos crèches et nos fêtes sinon pour célébrer la venue du Christ ?! Mais comment est-il venu ? N'aurait-il pas été plus efficace, plus convaincant s'il était venu en gloire, chevauchant les nuées et les tonnerres, avec une foule d'anges dans les campagnes et des manifestations de puissance dans le ciel ? Nul doute qu'alors toute l'humanité l'aurait reconnu et se serait donnée à lui dans la crainte et la terreur du jugement justement.


Or c'est cela le merveilleux de Noël et la force de cette fête. Plutôt que de s'imposer à tout homme et toute femme par la gloire céleste, le Christ est venu sous la forme la plus humble possible. La plus humble et la plus proche de nous en réalité. Car, y-a-t-il quelque chose qui nous soit plus précieux et plus compréhensible que l'enfance ? À la différence de toutes les autres situations, c'est un point commun que nous avons tous, nous avons tous été enfants. Nous avons tous eu des rèves et des craintes, des espérances de gloire et de réussite, des chagrins, des peurs et des angoisses, des fragilités et des dangers. L'enfance est la chose la plus partagée du monde et l'humanité se définit justement par l'attention et la protection accordée à l'enfance.


Noël, c'est cette humilité qui précède la gloire. C'est aussi cette humilité de la naissance de Jésus qui lui a laissé le temps de vivre et de se révèler pour ce qu'il est : le Fils de Dieu. Et là aussi, ce ne sont pas des éclairs et des tempêtes qui l'ont manifesté mais ses paroles et ses actes de bonté et d'amour. Ainsi il a aussi laissé le temps à chacun et chacune d'entre nous de le comprendre plutôt que de devoir se soumettre à une évidence. Naître enfant dans la crèche de Béthléhem, c'est laisser la parole de Dieu faire son œuvre dans l'humanité et dans la vie de chacun et chacune d'entre nous. C'est aussi nous rejoindre dans ce qui est le plus humain, ce souvenir que nous avons de notre propre enfance, de ce qu'elle a été, aurait pu être et de ce que nous en avons fait.


C'est aussi l'image de ce que nous espérons pour nos propres enfants. Nous leur souhaitons bien sûr le meilleur, le bonheur, la santé et la prospérité mais le baptême signifie que ce bonheur ne se trouvera pas dans les choses matérielles. Bien sûr qu'elles sont nécessaires mais elles ne sont pas suffisantes et parfois elles sont étouffantes. Par le baptême, nous affirmons que le bonheur, l'intelligence et la sagesse sont d'abord et avant tout des réalités spirituelles. Ou pour le dire encore autrement, c'est notre être intérieur qui compte plus que notre être extérieur. Ce que nous sommes au plus intime de nous-mêmes est plus important que ce que nous sommes extérieurement.

Et pour construire cet être intérieur, il est justement nécessaire de lui donnner une forme, de ne pas le laisser vide. De même qu'un jardin dont ne s'occupe pas devient vite une brousse, une âme, une personnalité, une existence dont on ne s'occuperait pas est vite remplie de vide ou plutôt de tous les bruits du monde et toutes les ombres qui circulent.


C'est ce que nous dit le sage auteur des proverbes : la sagesse est un long chemin mais il commence par ce qu'il appelle la « crainte de l'Éternel ». Une crainte qui n'a rien à voir avec la peur mais au contraire avec la confiance. Plus exactement, c'est une prise de conscience de cette réalité de la présence de Dieu. Qu'on en prenne conscience par la beauté de la création et en même temps que de sa beauté, de sa fragilité ou qu'on en prenne conscience par les grandes œuvres de l'esprit humain et en même temps que de la grandeur de l'esprit, là aussi de sa fragilité, cela revient toujours à se comprendre comme faisant partie d'un tout, d'un universel qui nous est commun à tous.


Honorer celui qui nous a tout donné


Ce que l'on appelle « crainte », on peut aussi l'appeller « respect » mais le verset lui donne encore une autre dimension extrèmement importante. Il contient en fait cinq mots et deux verbes. Ces deux verbes « enseigne » et « précède » disent justement que les choses ne sont pas figées, elles évoluent en permanence, on ne cesse jamais de prendre de plus en plus conscience de cette dimension de l'éternité dans tout ce que nous faisons. Le baptême de Mélusine est un commencement et non une fin de même que Noël est le début de l'enseignement du Christ auprès de l'humanité. Et en même temps c'est une promesse : dans l'humilité et la simplicité de ce commencement se trouve l'espérance de la réalisation.


Souvent dans la pensée biblique les mots vont par paire. L'hébreu est une langue associative, c'est-à-dire que les mots et les concepts qu'ils représentent sont des associations d'idée : ainsi « humilité » et « gloire », rien de grand ne peut se faire qui n'ait de petits commencements mais aussi « crainte » et « sagesse », la sagesse ne s'obtient que par la conscience des équilibres et des harmonie entre les choses et les êtres. Mais l'on peut aussi associer « crainte » autrement dit « respect » avec « humilité », c'est comprendre que nous ne maîtrisons pas tout de notre existence ou encore « sagesse » avec « humilité », autrement dit, il est sage d'avoir conscience que nous ne sommes jamais qu'un instant dans l'ordre du monde mais aussi « sagesse » avec « gloire », autrement dit que malgré notre fragilité, chacun et chacune d'entre nous est unique, d'une dignité qu'on ne peut et ne doit jamais lui enlever.


Enfin on peut encore associer « crainte/respect » avec « gloire », autrement dit « donner gloire à celui que l'on respecte » ou pour encore mieux le résumer « honorer l'Éternel ». « Honorer l'Éternel », voilà le résumé de notre vie et de notre destinée. Voilà ce qu'est la foi que nous avons affirmée par le baptême de Mélusine, voilà quelle est l'espérance que nous affirmons par la fête de Noël, voilà en quoi consiste l'amour de Dieu et de notre prochain, en toute chose. « Honorer l'Éternel », c'est reconnaître ce que nous lui devons et accepter ce qu'il attend de nous en retour.


« Honorer l'Éternel » : en toute chose commencer par la gratitude envers lui, c'est forger notre caractère. C'est équilibrer notre personnalité, c'est transformer nos volontés pour qu'elles deviennent conformes à la sienne. C'est rendre notre être spirituel capable de résister aux épreuves de la vie et de garder vivant l'esprit de bonté, de vérité, de justice et de liberté que nous avons manifesté aujourd'hui par le baptême et manifesterons bientôt par la fête de Noël.



Roland Kauffmann

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