Qu'avons-nous appris durant cette année ? (ci-dessous remarques des participants)
Contextualisation nécessaire pour comprendre la Bible et la foi.
Malaise au long de l'année avec un Credo à double tranchant, peut servir à réunir et à séparer.
Beaucoup de choses qui gênent dans le Credo – qui sont difficiles à dire.
Appris beaucoup de choses sur la manière dont le Credo s'est construit et sur le rôle qu'il a rempli dans l'histoire. Pas souvent l'occasion d'avoir des explications pour comprendre ce que l'on récite tous les jours.
Comment ces textes représentaient et voulaient dire au moment où ils ont été élaborés, texte sans pertinence pour aujourd'hui. Étonnement que le Credo ait été utilisé lors du culte de Pentecôte, beaucoup de pasteurs occultent le Credo en raison de l'écart avec la compréhension contemporaine du monde. Démarche historico-critique mais la partie critique a manqué, pas assez de mise en question du contenu du Credo. Par exemple la notion de « Dieu créateur ».
Actualisation de la Confession de foi, exemple de confirmands qui ont réécrit le Credo.
Importance d'avoir un texte commun ou bien chacun doit-il aménager sa foi ? La nécessité d'être en accord sur un dénominateur commun, quelque chose qui soit reconnu par chacun. Qui définisse une identité commune aux chrétiens. Le prendre comme un symbole sans forcément y adhérer ? Alors que justement le Credo commence par l'affirmation d'un « Je crois » et requiert une adhésion !
L'importance des symboles qui ne sont que des symboles.
Peut-être pas assez réfléchi à ce que veut dire le mot « croire », adhérence ? Au sens d'être agrégé ! Adhésion suppose une démarche intellectuelle où se situe alors la foi ? La foi ne peut s'affranchir de la démarche intellectuelle.
Importance d'avoir une démarche sur l'ensemble du texte : mise en perspective dans un contexte ce qui permet de réaffirmer sa foi qui est confiance en cette Parole qui m'est donnée.
Importance de cheminer et rechercher ensemble, la confrontation des idées et des compréhensions. L'importance des termes grecs et hébreux dont l'étymologie donne à penser.
Les références bibliques donnent envie de relire la Bible.
La recherche historique était intéressante mais l'actualisation a manqué : on est resté dans le passé mais jamais fait le parallèle avec des décisions actuelles (Droits de l'homme...)
Une somme de connaissance mais pouvoir poser les questions et échanger a manqué. Échanger plus, équilibrer entre le contenu et l'échange : à quoi ça m'appelle ? Comment ça m'interpelle ? Attention au risque de dispersion.
Les comptes-rendus permettaient de revenir sur le sujet.
Pour pouvoir échanger il faut avoir du contenu pour éviter de passer au café du commerce.
Précision : découvrir que le Symbole est un certificat d'identité pour les premières communautés et que le fait de se donner des confessions de foi.
Importance de découvrir le contenu biblique.
Motivation pour remettre le nez dans les textes sacrées de plusieurs religions, ce qui confirme que les valeurs doivent être humanistes avant d'être religieuses : sont pour tous les humains et pas seulement pour les croyants.
Redécouvrir la Bible avec un regard nouveau : tous des humains appelés à devenir des humains. Des miracles qu'on voit tous les jours, les rencontres, les solidarités et toutes les petites choses du quotidien.
En quoi relire la Bible m'aide à réfléchir à ma vie de tous les jours ?! Est-ce que les valeurs de Jésus s'inscrivent dans mon quotidien.
Les premières communautés chrétiennes éprouvent le besoin de se démarquer de ce que Paul appelle « le monde ».
Le « monde » ne doit pas être confondu avec la « création », œuvre de Dieu. Le monde paulinien est la société de son temps. Or les sociétés auxquelles sont confrontées les premières communautés sont de plusieurs sortes
la société juive marquée par le légalisme pharisien et l'eschatologie
la société grecque des cités d'Asie Mineure
la société romaine qui s'impose comme puissance politique en Méditerranée
Ces trois sociétés ont des relations plus ou moins conflictuelles ou d'influences réciproques selon les périodes et surtout suivant les lieux. Ainsi, à Alexandrie en Égypte, le judaïsme cherche depuis longtemps à établir des passerelles entre la tradition de Moïse et la culture grecque au sens classique. La traduction de la Septante au IIIe siècle avant Jésus-Christ en est l'illustration.
Par contre, en Palestine, les juifs pieux se tiennent à l'écart de la culture gréco-romaine vue comme doublement païenne. Depuis la révolte des Maccabées qui se déroule de 175 à 140 av. J.-C, les juifs voient l'envahisseur comme une menace pour l'intégrité du peuple et de la foi. Rome conquiert Jérusalem en 63 avant notre ère et détruira la ville en 70 après J.C.
En Asie Mineure, les premières communautés chrétiennes sont composées
soit de Juifs convertis
soit de « Grecs », c.à.d. « non-juifs » convertis d'abord au judaïsme puis à ce qu'ils considéraient comme une école à l'intérieur du judaïsme,
soit de « Grecs » devenus chrétiens sans être passés par le judaïsme.
Ces « grecs » ne sont pas des philosophes, ils ne connaissent pas plus la philosophie de Platon que nous ne connaissons aujourd'hui la philosophie de Descartes mais ils sont dans un bain culturel marqué par l’hellénisme. Ils sont platoniciens ou aristotéliciens comme nous sommes cartésiens, autrement dit c'est une formation culturelle bien oubliée en réalité. La « sagesse » cherchée par les Grecs est un vernis culturel pour la plupart des premiers chrétiens.
De même, le judaïsme de l'époque n'est pas le judaïsme que nous connaissons aujourd'hui. C'est un judaïsme profondément marqué par l'épreuve de l'Exil, de même que le judaïsme contemporain est marqué par la Shoah. De l'Exil, le judaïsme a conservé le culte de la lumière, du Dieu souverain omniprésent et le récit de l'eschatologie comprise comme une libération : la libération de Babylone répétant la libération d'Égypte, le Messie étant le libérateur, Cyrus étant le Messie, l'envoyé, comme Moïse était le libérateur. Les juifs de l'époque de Jésus attendent un Messie libérateur des païens. Le « miracle » attendu par les Juifs, c'est la libération.
À Rome, les premiers chrétiens vont entrer en contact avec l'Ordre politique, juridique et militaire, avec les postes d'influence économique. Leur influence grandissante sera considérée comme une menace, d'où les persécutions et autres interdictions d'exercices de fonctions importantes jusqu'à l'Édit de Milan qui accorde la liberté de culte aux chrétiens, en 313 et l'Édit de Théodose en 380 qui fait du christianisme la religion officielle de l'Empire. Mais dans les premières décennies, les chrétiens sont une extrême minorité.
Le Symbole des Apôtres répond à ce double besoin de se distinguer du monde d'une part et d’homogénéiser les communautés en instaurant une base commune d'autre part. Son origine est une formule baptismale en usage dans l'Église à Rome. Son origine « apostolique » correspond à la pratique antique de donner une autorité à un texte en lui conférant des auteurs indiscutables. Il n'existe pas en grec ce qui aurait été nécessaire pour son usage dans les communautés. On ne le trouve sous sa forme actuelle et complète que depuis le VIIIe siècle. Le Symbole constitue un résumé de la doctrine en réponse aux bouleversements successifs, notamment la chute de l'Empire et les invasions germaniques. Il est bien plus simple que le Symbole de Nicée-Constantinople de 325 et correspond à une nouvelle époque de christianisation du monde au moment où l'Occident qui redevient chrétien est confronté à des menaces d'invasions et va lui-même se lancer dans une phase d'expansion. Le Symbole devient ainsi une formule normative minimale en usage jusqu'à nos jours.
« Il est né de la vierge Marie
il a souffert sous Ponce Pilate
Il reviendra »
Le Symbole inscrit la foi dans une histoire dont Jésus-Christ est le centre ce qui est un « scandale pour les Juifs et une folie pour les païens ».
Le christianisme originel se développe dans un contexte de concurrence religieuse et philosophique. Les Juifs sont persuadés qu'ils vont chasser les Romains. Les grandes écoles philosophiques de l'époque que sont le stoïcisme et l'épicurisme prônent la liberté intérieure et le gouvernement de soi. Les cultes à Mystères et la gnose proposent des expériences mystiques et une connaissance des forces mystérieuses et des choses cachées depuis la Fondation du monde.
Toutes ces concurrences ont en commun de s'inscrire dans une reproduction du temps, dans une compréhension non-linéaire du temps. L'avenir devant être la reconduction du passé, un éternel retour à la grandeur (de David, de Rome, d'Athènes, « Make America Great Again »), leur monde n'a pas de fin. Alors que le christianisme instaure une durée avec une histoire qui a un début : la création; une fin : le retour du Christ et une charnière : la naissance, la vie et la passion du Christ.
C'est cette inscription temporelle de la foi qui en constitue le « scandale et la folie » aujourd'hui comme hier selon Oscar Cullmann (1) qui affirme « Le Nouveau Testament ne connaît du temps que la notion linéaire : hier, aujourd'hui, demain ; et toute philosophie qui s'en écarte et se dissout en une métaphysique lui est étrangère. » 2
La mise en évidence de cette linéarité de l'histoire du salut est l'intérêt essentiel du Symbole des Apôtres en tant que résumé de la foi. Tout en étant lacunaire - aucune mention de la grâce - et en reprenant des concepts culturels, il a l'avantage de rendre commun ce qui est avant tout une expérience individuelle, la finitude du monde répondant à la finitude de l'individu.
Roland Kauffmann, 15 juin 2023
1 « […] le progrès technique de notre époque avec l'électricité, la radio et la bombe atomique, n'a pas le moins du monde rendu la foi en Jésus, centre de l'histoire divine du salut, plus inaccessible à l'homme du XXe siècle qu'elle ne l'était déjà à l'homme antique. Car le « scandale », la « folie », c'est que des évènements historiques datables – « sous Ponce Pilate » – représentent le centre indiscutable de la révélation de Dieu, et que c'est à partir de là qu'il faut admettre toutes ses autres révélations. C'était aussi difficile à admettre pour l'homme d'alors que pour l'homme d'aujourd'hui. » Oscar Cullmann, Christologie du Nouveau Testament, Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, 1968, p. 287, cité par Matthieu Arnold in « Rudolf Bultmann et Oscar Cullmann : nouveaux aperçus sur leurs relations (1925-1949) », dans « Les Lunettes de Dieu. Bultmann et l'invention de la foi », Foi et Vie, volume CIX, n°1, février 2010, p.76.
2 Oscar Cullmann, Christ et le temps. Temps et histoire dans le christianisme primitif, Neuchâtel, 1966 (2e éd.), p.38. cité par Matthieu Arnold, ibid.
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