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Acolytes de Dieu

Photo du rédacteur: Thierry HolweckThierry Holweck

Guebwiller 23 mars 2025, pasteur Thierry Larcher






Vous avez peut-être lu, comme moi, dans la rubrique des faits divers du mois dernier des DNA ou de L’Alsace, le compte-rendu d’audience du tribunal suivant :

Certains larcins, qui impliquaient deux hommes, « Magueule » et son acolyte « Gros », ont eu lieu à Stuttgart en Allemagne. Magueule est la seule constante dans cette affaire, présent sur tous les vols des deux côtés de la frontière. « C’est la tête pensante. Sans lui, cette opération ne marche pas », détaille la procureure.

 

Ce ne sont pas les surprenants surnoms des voleurs qui avaient retenu mon attention, mais le mot acolyte… Il se trouve, en effet, que ce mot français vient du verbe grec akoloutéo et qui se trouve trois fois dans l’évangile du jour.

Alors que, de nos jours, ce mot est plutôt péjoratif et désigne souvent un complice dans une affaire douteuse, en grec du Nouveau Testament, il signifie suivre, et tout particulièrement suivre quelqu’un, devenir son disciple. Les 12 apôtres que Jésus venait d’envoyer en mission au début de notre chapitre et les 72 disciples qu’il va envoyer à la suite de notre passage sont donc ses acolytes. Des personnes qui suivent Jésus et acceptent la mission qu’il leur donne. Ce n’est donc rien de négatif, bien au contraire.

Et vous, ce matin, voulez-vous aussi être les acolytes de Jésus ?

 

Vous allez peut-être me répondre que cela semble bien difficile, à lire les différentes réactions de Jésus dans tout ce chapitre 9 de l’évangile de Luc.

Aux v. 23-27 : il nous dit en effet qu’il faut se renier soi-même, porter sa croix, ne pas avoir honte de Jésus. Cela ne nous fait-il pas peur, devoir porter son fardeau qui risque de devenir trop lourd ?

Aux v. 37-43 : quand il s’agit de chasser le démon d’un enfant, ses disciples qui suivent Jésus depuis un moment, n’y arrivent pas. Et nous ?

Aux v. 43-45 : Jésus annonce sa mort à venir et les disciples ne comprennent pas cette annonce, car elle était voilée pour eux, comme le précise Luc. Et nous, comprenons-nous toujours Dieu ?

Aux v. 46 à 48 : ils veulent savoir qui est le plus grand et apprennent que c’est celui qui est le plus petit, celui qui accueille chaque enfant comme s’il accueillait Dieu. Qui d’entre nous ne voit pas son énergie baisser tellement plus vite que celle de ses enfants ? Et avec elle, parfois, la patience…

Aux v. 49-50 : les disciples veulent empêcher quelqu’un qui chasse les démons au nom de Jésus de le faire, car il n’est pas du cercle de ses disciples. Or, Jésus leur dit de le laisser faire, puisque ce qu’il fait n’est pas contre eux ni Jésus. Avons-nous toujours cette indulgence pour ceux qui vivent leur foi autrement que nous ?

Aux v. 51-56 : les disciples veulent faire descendre le feu du ciel sur un village de samaritains qui ne les accueillent pas, car ils vont vers Jérusalem qui justement rejette les Samaritains, et Jésus les rabroue encore.

 

Et comme si cela ne suffisait pas, dans notre passage, par trois fois, Jésus répond à première vue durement à quelqu’un qui voudrait le suivre :

•                  au premier, il semble dire que vouloir le suivre, c’est accepter de ne pas avoir de lieu où poser sa tête ;

•                  au deuxième, qu’il doit laisser les morts ensevelirent les morts, que donc suivre Jésus, serait partir de suite, sans hésiter un instant ;

•                  au troisième, qu’il ne doit même pas dire au revoir à sa famille.

Être l’acolyte de Jésus serait donc, d’être toute sa vie sur la route, de ne pas se soucier de rendre hommage aux autres, alors qu’honorer les morts est justement une demande importante de l’Ancien Testament, et qu’il faut même pour ainsi dire renier sa famille ou en tout cas, y renoncer.

Devenir acolyte de Jésus semble donc à première vue impossible ou cela signifierait devenir quelqu’un qui manque de bienveillance envers lui-même et envers les autres. Mais à force lire la Bible, vous le savez, les phrases de Jésus sont bien souvent à comprendre dans un sens autre que premier, et ne se dévoilent qu’après les avoir laissés murir en nous et nous nourrir. Quand Jésus demande de « laisser les morts enterrer les morts » nous voyons bien que c’est impossible, un mort étant mort, il ne peut enterrer le prochain qui va mourir.

 

Alors, comment devenir des acolytes, des disciples de Jésus sans être pour ainsi dire un surhomme ?

La première chose à faire est d’éviter une lecture littérale de ce que veut nous dire Dieu ce matin. Puis de comprendre qu’il s’adresse bien à nous ce matin. Si au début des évangiles, les disciples sont appelés par Jésus selon leur prénom, ici les disciples sont anonymes, pour bien montrer que la question est pour chacun d’entre nous.

 

Comme nous l’avons vu, Jésus ne cesse de faire une liste à ses disciples de ce qui menace la vie de tout disciple, comme de croire que nous pouvons tout faire, que nous pouvons tout comprendre alors que des choses nous sont encore voilées, que nous devons rejeter celui qui œuvre pour Jésus quand il n’est pas de notre cercle ou que nous devrions maudire ceux qui ne nous accueillent pas.

Mais rassurons-nous, la réussite n’est pas une obligation pour le disciple, Jésus lui-même a connu l’échec. Suivre Jésus, c’est bien de vouloir aller avec lui, à ses côtés, comme l’exprime le mot d’acolyte, en acceptant de vivre des réussites et des échecs, mais aussi que d’autres que nous marchent à côté de Jésus, sans toujours être du même côté que nous.

 

Or, voilà qu’au lieu de vouloir décourager les disciples, comme on pourrait le croire par une lecture trop rapide, Jésus poursuit en fait ses recommandations.

Dans le premier cas, il nous est dit qu’être l’acolyte de Jésus, c’est n’avoir pas de lieu privilégié, de nid, de maison propre. Combien de fois entendons-nous des chrétiens parler de leur Église avec un E majuscule, ou de leur paroisse, ou même de leur pasteur ? Jésus veut nous mettre en garde face à cette tentation de la possession. Il demande à ce que nous restions prêts à reprendre la route, à aller là où le vent nous mène, à ne pas non plus nous penser arrivés. Aujourd’hui, nous fêtons cette belle communauté, notre vivre ensemble, et nos deux paroisses se réjouissent de se rencontrer. Mais l’Église de Dieu est plus grande, c’est celle de tous les croyants, visibles et invisibles. Voir l’Église comme quelque chose que l’on posséderait, c’est se tromper comme les disciples l’ont fait juste avant, en voulant rejeter celui qui agit pour Dieu sans être directement des leurs. Ne tombons pas dans le piège de nous croire plus croyants ou fidèles que d’autres, au point d’en faire les nouveaux Samaritains.

 

Puis, quand il s’agit de laisser les morts enterrer les morts, Jésus parle-t-il de ceux qui sont morts spirituellement à Dieu ou encore de ceux qui sont étouffés par la loi ? Et si plutôt, Jésus nous mettait à nouveau en garde nous-mêmes. Et s’il nous invitait à nous libérer de tout ce qui nous emprisonne, de toutes nos propres morts ? Devenir l’acolyte de Jésus ne consiste-t-il pas, en effet, à renoncer à nos esclavages, auquel le carême nous invite justement à réfléchir ? Nous voyons des jeunes et moins jeunes devenir esclaves des écrans, à commencer de leur téléphone ; d’autres le sont peut-être de cette société qui estime que consommer toujours plus est notre but et notre devoir ; d’autres le sont peut-être d’une certaine nourriture ou encore d’une mode vie ? Il y a tant de choses qui peuvent nous faire mourir un peu à Dieu. Les jeunes du catéchisme y ont justement réfléchi hier matin. Il ne s’agit pas de renoncer aux joies de ce monde, mais, comme pour le vin notamment, à en user avec modération, pour ne pas perdre de vue notre vrai appel, celui à devenir acolyte de Jésus.

 

Enfin, dans le dernier exemple, Jésus cherche encore à nous guider et nous rassurer, contrairement à ce qu’on pourrait d’abord croire. Il aurait pu prendre l’exemple du berger comme il le fait en bien d’autres occasions, mais, en prenant celui du laboureur, il veut sans doute équilibrer ce qu’il dit dans le premier exemple et éviter qu’on ne comprenne mal le premier. Nous pouvons ainsi tout à fait avoir une terre qui nous porte, qui nous apporte équilibre et nourriture. Il ne s’agit pas de passer sans cesse notre vie sur la route, de n’avoir aucune attache. Il s’agit en revanche de regarder vers l’avant. Si vous avez déjà observé des agriculteurs traçants des sillons avec leur tracteur, ou bien avant avec une charrue et des bœufs, vous aurez remarqué qu’ils doivent regarder vers l’avant pour que la ligne soit droite, pour qu’ils conservent le cap, même s’ils jettent aussi par moments un œil vers l’arrière, pour s’assurer que tout se passe bien. Le passé est le passé, qu’il soit bon ou mauvais, nous ne pouvons rien y changer. Ne soyons donc pas comme la femme de Loth, qui se retourna lorsqu’ils durent fuir Sodome.

En revanche, choisissons de dire « oui » à Dieu aujourd’hui et pour l’avenir. Le Royaume de Dieu est devant nous, c’est vers là que notre regard doit se tourner.

 

Alors, en conclusion, demandons-nous durant la semaine qui commence, si nous aussi, nous voulons devenir des acolytes de Dieu, des disciples qui acceptent que d’autres avancent moins vite ou autrement que nous, qui arrivent à renoncer à ce qui nous détourne trop de Dieu, pour garder le cap, même si parfois nos sillons ne sont pas strictement droits, car l’essentiel est de dire « oui » à Dieu, de se mettre à son école, pour que, comme les premiers apôtres, nous puissions, nous aussi, pardonner aux autres, guérir et annoncer la venue du Royaume.

Dieu nous appelle et nous dit « suis-moi », que lui répondons-nous ?


Thierry Larcher

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